Laboratoire d'Informatique de Grenoble Équipe Ingénierie de l'Interaction Humain-Machine

Équipe Ingénierie de l'Interaction
Humain-Machine

Stage Master : Adaptation de l'interaction située dans l'habitat intelligent : le rôle du contexte

Contexte

Le vieillissement de la population des pays industrialisés est en constante augmentation. Les institutions prévoient donc que le nombre de personnes en perte d’autonomie va considérablement augmenter. Cette situation va entraîner des impacts économiques sur la société et nécessitera des places supplémentaires au sein d’organismes spécialisés. Face à ce contexte sociétal des dispositifs technologiques voient le jour pour favoriser le maintien à domicile.
Parmi eux, les habitats domotiques peuvent être adaptés. Ils permettent de mettre à disposition des services technologiques pour les usagers [1]. Ces services sont utilisés (ou combinés [2]) dans les domaines de la santé, de la sécurité ou pour améliorer le bien-être des habitants [3]. Dans le cas de personnes âgés, de nombreux services domotiques et numériques peuvent être envisagés pour compenser les pertes physiques et fonctionnelles venant avec l'âge (perte de mémoire, limitations physiques...). La littérature du domaine de l’intelligence ambiante montre que pour qu’une solution technique soit acceptée et qu’elle impacte significativement la vie des personnes âgées; celle-ci doit être conçue en prenant en compte les habitudes de vie des personnes cibles et avec la collaboration d’un ensemble de spécialistes. Cet ensemble de compétences est réuni dans le projet de recherche ANR VOCADOM (https://vocadom.imag.fr/) qui vise la conception d’une nouvelle technologie destinée à favoriser le bien-être et l’autonomie de personnes âgées dépendantes à domicile ou de personnes en situation de handicap (malvoyants). Ce projet est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et rassemble différents partenaires scientifiques : les laboratoires LIG de l’Université de Grenoble-Alpes, GRePS de l’Université de Lyon et l’INRIA de Nancy. Dans ce cadre, une première étude a permis d’identifier des services utiles à ces types de profil pour la réalisation de différentes activités domestiques. L’objectif du stage est de travailler sur les choix des modalités d’interaction en fonction des capacités de l’utilisateur (les profils considérés présentant des fragilités physiques ou cognitives) mais également en fonction du contexte d’interaction (les caractéristiques de l’habitat, l’activité en cours, le type de l’information...) pour permettre d’utiliser les services identifiés.

Sujet du stage et travail attendu

Un système développé pour contrôler son habitat est un système interactif qui doit satisfaire tous les principes de conception définis en IHM. Pour la réalisation d’interactions ubiquitaires (comme peut l’être considérée l’interaction entre Vocadom et l’habitant), la conception d’une interaction adaptée demande de prendre en compte le contexte d’utilisation - ou contexte d’usage [4].
Par exemple, lorsqu'une personne regarde la télévision pendant qu’une personne sonne à la porte, le bruit fait par la télévision peut obstruer la perception de la sonnette. Dans ce cas, un message à afficher sur l'écran de télévision peut être plus adapté que la notification sonore.
En s’appuyant sur les caractéristiques décrivant chaque élément du contexte d’usage, des règles d’adaptation [5] permettent de proposer l'interaction appropriée [6].
En pratique, cette approche d’adaptation (ou plasticité) requiert, de la part des concepteurs, de définir (1) des caractéristiques du contexte d’utilisation à prendre en compte, (2) comment observer ces caractéristiques, (3) quelle interaction présenter à l’utilisateur pour chaque contexte d’usage, (4) quand et comment passer d’une interaction à l’autre. La principale difficulté de la mise en application de cette approche pour l’adaptation de l’interaction au contexte d’usage est donc de s’assurer l’avoir défini de manière pertinente (ie complète) du point de vue de l’utilisateur.
Différents travaux ont cherché à définir le contexte [7], l’une des définitions les plus couramment employées est celle d’une triplet [8].
Dans le cadre du projet ANR VOCADOM, cette adaptation inclut la présentation des informations (sorties) mais aussi le ou les dispositifs d’acquisition (entrées). Le premier objectif du stage sera d’identifier les règles d’adaptation à appliquer pour le choix de la modalité d’interaction pour les profils d’utilisateur (personnes âgées ou présentant une déficience visuelle). L’étude bibliographique intégrera la recherche de règles d’adaptation déjà définies (comme dans [9]) ou les études d’utilisabilité qui permettent d’en définir. Par exemple, les études réalisées auprès des personnes âgées [10] permettent d’établir que les dispositifs reposant sur une indirection (comme la souris…) nécessitent une activité cognitive importante [11] et des compétences motrices [12] qui rendent leur utilisation difficile pour les personnes âgées.

Malheureusement, ces études sont menées pour la réalisation de tâches “hors activité” dans le sens où la seule préoccupation de l’utilisateur est celle de réaliser l’évaluation, le seul élément de contexte alors pris en compte est le profil de l’utilisateur et les limitations fonctionnelles que celui-ci a. Or, un dispositif interactif est utilisé pour satisfaire un objectif qui s’inscrit dans le cadre d’une activité, c’est un outil pour un sujet qui cherche à atteindre un objet dans la théorie de l’activité d’Engeström [13]. Dans un contexte domestique, les activités réalisées par les habitants peuvent être concurrentes, liées ou non entre elles. Par exemple, si un habitant met son plat au four (activité 1 = préparer le repas) et va dans le salon pendant la cuisson pour regarder la télé (activité 2 = regarder la télé) et finalement passe un coup de fil pendant les publicités (activité 3 = téléphoner), trois activités sont réalisées de manière concurrentes. L’habitat domotique sera alors un outil qui réalisera avec l’habitant ces trois activités et devra choisir quelles informations (seulement celles de l’activité la plus récemment débutée ? toutes les informations de toutes les activités en cours ?...) et quelles modalités utiliser (une modalité pour toutes les informations ? une modalité par activité ?).
La deuxième contribution attendue dans ce stage portera sur comment prendre en compte l’activité (le but d’utilisation liée à l’activité) dans le contexte d’usage.
La dernière contribution porte sur la prise en compte de l’activité dans les règles d’adaptation afin d’exprimer le comportement de l’interaction du système. Ces règles seront élaborées soit par l’application de l’existant (étude dans la littérature permet d’identifier le ou la modalité d’interaction appropriée) soit par des entretiens auprès des personnes cibles sur leurs préférences.
Enfin, le modèle de contexte et les règles d’adaptation proposées par le stagiaire seront appliquées par simulation (au domicile et/ou dans un living lab) auprès des populations cibles afin de les évaluer.

Références :
[1] Pierre Brun and Edmond-Antoine Decamps. 1988. La domotique, Que sais-je.

[2] Henry Lieberman, Fabio Paterno, Markus Klann, and Volker Wulf. 2006. End-user development : An emerging paradigm. In End user development. Springer, 1–8.

[3] Alexandre Demeure, Sybille Caffiau, Elena Elias, and Camille Roux. 2015. Building and using home automation systems : a field study. In International Symposium on End User Development. Springer, 125–140.

[4] Coutaz, J., Crowley, J. L., Dobson, S., & Garlan, D. (2005). Context is key. Communications of the ACM, 48(3), 49-53.

[5] Ganneau, V., Calvary, G., & Demumieux, R. (2007, November). Métamodèle de règles d'adaptation pour la plasticité des interfaces homme-machine. In Proceedings of the 19th Conference on l'Interaction Homme-Machine (pp. 91-98). ACM.

[6] Hariri, A., Lepreux, S., Tabary, D., & Kolski, C. (2009). Principes et étude de cas d'adaptation d'IHM dans les SI en fonction du contexte d'interaction de l'utilisateur. Ingénierie des Systèmes d'Information, 14(3), 141-162.

[7] Rey, G. (2006). Méthode pour la modélisation du contexte d'interaction. Ingénierie des Systèmes d'Information, 11(5), 141-166.

[8] Dey, A. K., & Abowd, G. D. (2000). Providing architectural support for building context-aware applications (Doctoral dissertation, College of Computing, Georgia Institute of Technology).

[9] Peissner, M., Häbe, D., Janssen, D., & Sellner, T. (2012, June). MyUI: generating accessible user interfaces from multimodal design patterns. In Proceedings of the 4th ACM SIGCHI symposium on Engineering interactive computing systems (pp. 81-90). ACM.

[10] Lilian Genaro Motti, Nadine Vigouroux, Philippe Gorce. Interaction techniques for older adults using touchscreen devices: a literature review.

[11] Vigouroux N., Rumeau P., Vella F., Vellas B. Studying Point-Select-Drag Interaction Techniques for older people with cognitive impairment

[12] Czaja S.J., Lee C.C. Designing computer systems for older adults, In The human-computer interaction handbook, L. Erlbaum Associates Inc., Hillsdale, NU, USA (2003), 413-427

[13] Engeström, Y., Miettinen, R., & Punamäki, R. L. (Eds.). (1999). Perspectives on activity theory. Cambridge University Press.

Ce travail s'effectuera dans le cadre du projet Vocadom.

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Sybille Caffiau